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High Way

High Way est un projet d’exposition collective et extérieure édifié sur un des axes majeurs du campus, un des plus usités s’il en est: l’allée des Champs Élysées reliant les salles de cours à la restauration. Dans le cadre de cette business school, la métaphore du titre choisi par les artistes parle d’elle-même. Et associée à l’appellation inattendue de cette petite allée boisée, elle place la proposition sur un mode délibérément ironique, au moins de prime abord.

High Way

Exposition
09.2011 — 11.2011

Artistes
Ibai Hernandorena
Juan Aizpitarte
Wos/agence des hypothèses
Collectif Fichtre

Lieu
Campus HEC

High way s’installe à Jouy-en-Josas sur un axe majeur emprunté quotidiennement par les usagers du campus HEC, entre les salles de cours et le self-service… comme un skatepark pour piéton, ou encore un scénario qui se met en œuvre. Ce terrain d’expérimentation vient s’inscrire sur un territoire où on ne l’attend pas. Juan Aizpitarte, le collectif Fichtre, Ibai Hernandorena et Wos/agence des hypothèses ont eu carte blanche pour agir avec et sur le campus. A l’origine, la règle du jeu de ces interventions est simple: s’implanter dans le parc en bordure de l’Allée des Champs-Elysées et réaliser des sculptures praticables….Les propositions détournent les espaces de circulation de leur fonctionnalité habituelle en déviant les parcours, en faisant coexister des espaces d’attente, d’observation, de débats, de rencontre qui définissent une nouvelle cartographie.

Avec High Way, Ibai Hernandorena installe dès le départ une sorte d’enseigne géante qui reprend le titre de l’exposition. Les lettres se découpent sur le fond paysagé du campus. Face à cet écran de drive-in sont disposées de larges assises en bois où il est offert de s’installer à plusieurs pour passer un moment. Plus loin, l’artiste reprend cette idée du banc collectif. Fake est la réplique en bois librement interprétée d’un élément mobilier présent sur le campus: un banc circulaire, dont le design convivial, marqué par les années soixante, nous rappelle les années de création du campus. La reproduction tient plus de la maquette prototype et par effet de renversement, on s’interroge avec nostalgie sur ces utopies explicitement manifestées par ces formes de design ou d’architecture. L’oeuvre en réactualise avec pertinence le caractère symbolique.

Avec Dilema et Finis, Juan Aizpitarte concrétise l’idée d’alternative entre deux voies, fussent-elles professionnelles. Implantés avec justesse à la croisée des chemins, ces deux volumes triangulaires se présentent sous forme de gradins en perspective. Ils donnent un écho à la fois éloigné et humoristique au schéma pyramidal de l’organisation du travail. Snack, sorte de long coussin cylindrique et sinueux directement posé au sol, intervient comme une échappatoire au dilemme de l’orientation professionnelle, une proposition de déjeuner sur l’herbe quand tout nous pousse à des choix trop définitifs.

Wos/agence des hypothèses (Claire Dehove, Cléo Laigret, Julie Boillot) nous proposent une autre sorte de détour plus directement politique et économique. L’Antenne Diapalante de Jouy-en-Josas témoigne d’un projet d’étals ambulants de marché, mis en place à l’Institut français de Saint-Louis du Sénégal, avec des femmes de l’association Khar-Yalla. L’Antenne Diapalante prend ici la forme d’un campement nomade comprenant le Bureau, la Cabane des Palabres et la Tente-Forum. À la fois réels et fictifs, fonctionnels et symboliques, ces espaces sont ouverts et mis à disposition des visiteurs. L’œuvre s’offre comme une possibilité de penser l’économie autrement sans écarter la part d’utopie que cela recouvre. Elle inscrit physiquement, dans le contexte spécifique du campus, l’idée d’une autre réalité possible.

I am a monument est une œuvre conçue et réalisée par le collectif Fichtre. Elle évoque les panneaux touristiques implantés en bordure d’autoroute qui signalent les curiosités locales, les sites touristiques dignes d’intérêt. Ces images surgissent dans le paysage comme de véritables logos territoriaux, affirmations incontestables du caractère patrimonial des sites traversés. Une flèche de cathédrale, un ange du sourire, un château perché sur son éperon rocheux, autant de signaux artificiels qui confèrent au paysage le statut de fiction – sentiment d’illusion renforcé par le système clos de l’espace autoroutier qui nous interdit tout contact avec l’extérieur.

L’œuvre comme reconstitution «bricolée» en trois dimensions d’un de ces stéréotypes se révèle comme une juste et véritable supercherie. Les œuvres proposées de part et d’autre de cette «voie royale» s’apparentent à des alternatives, des invitations à la rêverie, des suggestions de fiction et d’utopie. Imaginées sur le même principe que les aires de repos d’autoroutes, elles s’imposent comme autant de contrepoints réjouissants à la logique du pré-pensé, du tout cuit et de la route toute tracée.

Philippe Coubetergues, critique d’art