Empire
Mathieu Beauséjour
L’artiste présente une série de dix-neuf compositions numériques de 61x41cm issues de détails sélectionnés de billets de banque, retirés de la circulation pour des raisons multiples (passage à l’euro, dévaluation des monnaies, changement de régime, dégradation, etc.) et numérisés dans la transparence de sorte que le recto se mêle au verso.
Empire
Exposition
02.2005 — 03.2005
Artiste
Mathieu Beauséjour
Lieu
Espace d’art contemporain HEC
Imprimées avec des encres naturelles sur papier archive, les images ainsi obtenues fonctionnent sur un registre figuratif ambigu. L’appréhension du motif est sans cesse perturbée par les incohérences d’échelles et l’hybridation des figures. Blasons, lettres, numéros, armoiries, détails de tableaux de maîtres, effigies, fragments de décoration végétale, monuments, emblèmes nationaux, toute une gamme de symboles plus ou moins identifiables, s’entrecroisent sur un mode équivalent, de sorte que chaque élément de la série s’efface au profit d’une vision d’ensemble, un vaste panorama entièrement consacré à l’iconicité de l’argent.
Car ce qui saute aux yeux dans le jeu trouble des trames superposées, c’est bien ce mode universel de représentation symbolique sur lequel reposent les monnaies, ce code unique et incomparable d’expression d’une valeur, et par extension des valeurs idéologiques qui s’y rattachent. Et ce qui frappe dans la reconnaissance instantanée de ce code parfaitement assimilé au point de le repérer dans le moindre détail, c’est bien notre profond assujettissement à ces mêmes valeurs, notre irrévocable dépendance à l’empire de l’argent.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’artiste, qui se présente aussi comme travailleur culturel, anarcho-utopiste et gardien de zoo, a fait du papier-monnaie, de sa valeur et de son usage, la question centrale de sa pratique artistique. La série Empire intervient dans le contexte particulier de la disparition progressive de la monnaie-papier, au profit du paiement électronique, universel et international, qui transcende les frontières et les régimes. L’image de l’argent ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir, la marque d’une ère révolue, perçue in fine comme la phase initiale d’un impérialisme assumé: celui du capital.
Philippe Coubetergues, critique d’art
Mathieu Beauséjour est né en 1970, à Montréal où il vit et travaille. À partir d’une position de résistance, de détournement ou de «terrorisme sémiotique», c’est ainsi qu’il développe sa pratique artistique. En ayant recours à diverses tactiques, il cherche à subvertir les matériaux et les concepts de pouvoir, d’aliénation et d’oppression. Sa production pose un regard à la fois ironique et nostalgique sur les avant-gardes politiques et artistiques et déploie des emblèmes culturels comme la monnaie, les hymnes et les manifestes.