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Digital Art Center 1
Images du monde laborieux

Images du monde laborieux, session d’ouverture du Digital art center, offre un panel des manières très différentes qu’ont les vidéastes contemporains d’aborder cet «invu», ce domaine demeurant volontiers obscur de nos vies, qui pourtant se révèlent en large part réglées par le travail, ce Moloch qui peut être différemment, comme le rappelle la philosophe Annah Arendt dans Condition de l’homme moderne, une aliénation, une réalisation, un art.

Digital Art Center 1

Exposition
09.2017 — 10.2017

Commissariat
Paul Ardenne

Artistes
Yuri Ancarani
Judith Depaule
Adrian Melis
Aernout Mik
Mario Rizzi
Mika Rottenberg

Lieu
Espace d’art contemporain HEC

Paul Ardenne est historien de l’art, écrivain et commissaire d’exposition. Auteur de plusieurs ouvrages de références sur l’art moderne et contemporain: Art, l’âge contemporain (1997), L’Art dans son moment politique (2000), L’Image Corps (2001), Un Art contextuel (2002), Art, le présent (2009), Cent artistes du Street art (2011). Derniers ouvrages parus: Heureux, les créateurs? (essai) et Belly le Ventre (roman), éditions La Muette/BDL. À HEC, Paul Ardenne a été le commissaire de l’exposition «Économie humaine» en 2014. Il a été le commissaire en 2008, à Genève, de l’exposition «Working Men».

Yuri Ancarani, Il Capo, 2010
Ce court documentaire maintes fois primé a été tourné en Italie, dans les monts Bettolgi, dans la région de Carrare. Yuri Anrakani enregistre ici un moment très ordinaire de la découpe du marbre de carrière. Une machine, une masse minérale, un homme conduisant les opérations sont les trois protagonistes de ce curieux opéra formaliste qui peut évoquer de très loin le Ballet mécanique de Fernand Léger, mais versant monde du travail. La beauté plastique des effets est à l’égale, pour l’occasion, de la brutalité de l’action.

Judith Depaule, Qui ne travaille pas, ne mange pas, 2004
En Union soviétique (1917-1991), le travail et sa glorification faisaient partie de la machine idéologique d’État et permettaient d’accentuer les oppositions entre ancien et nouvel ordre: la classe bourgeoise déclinante est opposée à l’énergie, à la force et à l’enthousiasme du prolétariat tant ouvrier qu’agricole. Le travail est donc l’une des activités principales de l’homos sovieticus (Alexandre Zinoviev) et peut-être même la plus importante. Il est, en tous cas, efficacement instrumentalisé à des fins idéologiques, pour servir à l’unification des masses. Cette instrumentalisation a pris trois formes essentielles: celle du sujet du travail, celle de l’activité du travail et celles de la symbolique du travail.

Adrian Melis, The making of fourty rectangular pieces for a floor construction, 2008
Le travail de Adrian Mélis questionne les relations entre le cadre sociopolitique, légal ou économique et les stratégies inventées par les individus de manière à éluder ces normes.Très influencé par les conditions de vie et de travail cubaines, et sa propre expérience comme expatrié volontaire en Espagne, l’artiste explore les liens tendus entre productivité et non productivité, entre présence et absence et documente les échecs du système tout en jouant avec eux et propose des modèles alternatifs de «créativité pragmatique», y compris en représentant des activités illégales parfaitement organisées et structurées.

Aernout Mik, Middlemen, 2001
La vidéo Middlemen a été présentée en 2002-2003 dans l’exposition «Ce qui arrive», organisée par le philosophe Paul Virilio à la Fondation Cartier, à Paris, et consacrée à l’événement catastrophique. Cette bande d’une vingtaine de minutes évoque les suites d’un dérèglement majeur enregistré de manière inattendue dans l’univers du travail, ici, à ce que l’on croit deviner, chez des agents de change ou des opérateurs en bourse. Jonchée de papiers représentant des ordres d’achat ou de vente exécutés en masse, une salle de cotations en désordre et l’hébétude du personnel qui s’y tient laissent préjuger qu’une catastrophe a bien eu lieu.

Mario Rizzi, Murat ve Ismail, 2005
Murat ve Ismail, une vidéo montrée dans de multiples festivals, a notamment été présentée lors de la biennale d’Istanbul 2005. Cette bande, en termes de genre, appartient au documentaire. Le film se déroule à Istanbul et met en scène un père et son fils au travail dans leur atelier de cordonnerie. L’un et l’autre parlent tout en vaquant à leurs occupations professionnelles. Le temps du travail, celui de l’activité concrète, devient conjointement un temps de la convivialité familiale et le prétexte à l’évocation de tensions entre les deux hommes.

Mika Rottenberg, Squeeze, 2010
Cette artiste née en Argentine et vivant aux États-Unis, vidéaste et créatrice d’installation, s’est spécialisée dans le traitement de la femme au travail. Squeeze met en scène de façon surprenante et inattendue le double travail effectué dans une ferme en Arizona et dans une plantation d’arbre à caoutchouc dans le Kérala, en Inde. Un mixte d’étrangeté, d’humour et d’exaspération sociale pour dire la globalisation et l’hyperconnexion des activités dans le monde économique contemporain.