L’espace d’art HEC a été donné carte blanche à l’artiste Antonello Curcio: il a choisi sur le campus, en toute liberté, un lieu adapté au projet artistique qu’il souhaitait approfondir. Il a retenu une salle, située dans le centre de documentation – dédiée pendant plus de trente ans aux ouvrages consacrés à la «culture générale». Cette pièce, en friche, usée par le temps, en attente d’une profonde rénovation, va accueillir l’artiste pendant plusieurs semaines. Dès son arrivée dans ce nouvel environnement de travail, celui-ci a mis à disposition des spectateurs «l’atelier exposé». Dans une institution d’enseignement supérieur, mettre en lumière, dévoiler une certaine intimité du processus de création d’un artiste prend tout son sens.

Antonello Curcio s’est approprié les murs, la lumière, l’interaction avec l’extérieur. Il s’est installé, a observé, s’est imprégné du lieu de longues heures durant. Puis le processus de transformation a commencé: les murs ont été enduits, lissés, peints en blanc, les lumières modifiées, des néons ont été installés, de nouvelles parois ont été montées afin de dessiner un angle droit qui délimite l’intérieur et l’extérieur et constitue un lieu matérialisé pour la réalisation des «tableaux». Il s’est construit un univers personnel où la nature ne vient pas interférer avec l’oeuvre. Des surfaces blanches, parfaitement lisses, des lumières homogènes ont créé une ambiance cohérente, sensible, propice à sa façon de parler de la peinture.

Les «tableaux» d’Antonello Curcio reposent sur des bases géométriques. Son univers mathématique et l’extension de ses «tableaux» (motifs) dans l’espace participent à la domination, au contrôle et à l’organisation de celui-ci. La surface murale et le «tableau» interagissent; ils n’ont plus d’autonomie propre: volumes, ombres, dessins au crayon, espaces géométriques s’enchaînent de manière intuitive mais strictement réglementée. L’appropriation du lieu et sa transformation par l’artiste devient alors l’oeuvre à part entière qui n’existe pas en dehors du lieu où elle est créée. Celle-ci prend possession de l’ensemble de l’espace; rentrer dans l’espace c’est rentrer dans l’oeuvre elle-même; l’espace devient alors tableau.

Philippe Coubetergues, critique d’art