PP047

DreamCatcher
Sylvain Ristori

DreamCatcher

Résidence, Installation
03.2015 — 02.2016

Lieu
Campus HEC

Né en 1984, Sylvain Ristori se fait connaître dans les années 2000 par ses actions dans le milieu urbain, qui le classent d’abord comme un artiste du street art sous le nom de Sambre (crew VAO, 1984, French Kiss). Les œuvres de ce jeune artiste formé à la menuiserie se caractérisent, le plus souvent, par des créations recourant au bois et prenant la forme d’accumulations conçues in situ, en fonction des contextes. «Pour moi, souligne l’artiste, la création n’est jamais totalement innovante: il s’agit plus de redigestion de ce qui nous entoure.»

DreamCatcher représente pour Sylvain Ristori la deuxième étape d’un chantier entrepris en 2014 dans le parc du campus de HEC. Son point de départ? Une petite cabane construite par le collectif Wharf, retravaillée par WOS, un autre collectif d’artistes, puis décorée par le graffeur Kouka. Celle-ci, de forme cubique, posée sur l’herbe à deux pas des logements étudiants de l’école, évoque l’abri des chantiers autant que la Walden Cabin  édifiée jadis par Thoreau dans les bois, à l’écart de la ville de Concord. Cette construction générique, havre pour le repos et le retrait, Sylvain va s’attacher à la rendre plus conviviale. Il commence par ajouter, sur son toit, une loggia couverte dénommée Nest, le «nid».

À cette première adjonction s’aboutent bientôt deux autres extensions de sa main, respectivement un salon avec atrium dénommé DreamCatcher puis, quelques mois plus tard, un parvis doublé d’une terrasse, Bridge. DreamCatcher, comme le veut la méthode propre à Sylvain Ristori (la création d’installations faites de pièces de bois récupérés), est élaboré de la même manière que Nest: construction de type réemploi, en utilisant des matériaux trouvés à même le site du campus. Ses matériaux? Des pavés de ciment pour le sol de l’extension, du bois taillé en poteaux ou en planches pour ses piquets de soutènement, des vis et des gaines de plastique pour l’armature du bâti et pour les fermes de toiture. La forme que Sylvain donne à DreamCatcher est celle d’un couloir couvert débouchant sur une rotonde ouverte sur le ciel, à la manière du Panthéon romain. De manière littérale, le réseau de fils et de liens qu’utilise l’artiste pour solidifier la structure de la rotonde n’est pas sans conférer à cette dernière l’allure du dreamcatcher amérindien, cet «attrapeur de rêves» ressemblant à une toile d’araignée ou à une petite épuisette, ici surdimensionné et porté à l’échelle de l’architecture domestique, par dilatation spatiale.

Bien malin qui pourrait dire quel rêve permet d’«attraper» ce fragment d’habitat vernaculaire entretenant un vague rapport avec les constructions «écolo-bobo» du cabinet d’architecture Woodstacker mais produit cette fois avec les moyens du bord, sur fond d’autonomie et à coût minimal. Le rêve de la liberté d’entreprendre et du geste accompli sans contrainte? Le rêve d’une vie au plus près des matériaux? Le rêve d’une utopie qui verrait la simplicité reprendre le dessus? À moins que ce DreamCatcher aux allures de cabane de gamin, en une métaphore à peine voilée du bricolage et du «Do It Yourself» entendus comme une création inspirée, ne convoque en filigrane le beau rêve d’une nature en libre disposition, dont l’homme userait à sa guise, réservoir prodigue et généreux où puiser sans gêne. Sylvain Ristori, quoi qu’il en soit, nous parle à travers DreamCatcher tout à la fois des temps contemporains, confrontés à la raréfaction des biens et au pillage des matériaux terrestres, et de temps très reculés, ceux de l’artisanat élémentaire, de la débrouille salvatrice, ceux encore de l’enfance jamais lassée d’entreprendre. Faire avec ce que l’on trouve mais faire, obstinément.

L’artiste, cet arrangeur providentiel, nous prépare aussi aux temps du manque à venir en signifiant que le possible est partout. Récupérer, recycler, réemployer: ces fonctions, Sylvain Ristori les élève au rang de pratiques à la fois gestuelles et artistiques, aussi utiles que plastiques, selon les termes d’un useful art, ce type de création contextuelle qui se refuse à la gratuité. L’art? Ce qui se rend utile sans concept, sur le mode d’une résistance vitale, énergique, bienfaisante.

Paul Ardenne, critique d’art

Né en 1984en Ardèche, Sylvain Ristori vit et travaille à Paris. Profil atypique dans le milieu de l’art urbain, son travail se développe au fur et à mesure de ses voyages, de ses rencontres et collaborations. L’artiste est à l’aise tout aussi bien avec le bois, sa matière de prédilection, qu’avec le métal ou le verre. En constante évolution son travail prend sa source directement dans l’environnement qui l’accueille. La réalisation de chaque pièce est ainsi le fruit d’une réflexion quant à sa fonction dans l’espace qui lui est imparti et l’interaction entre tous les éléments à sa disposition.